LOKReport 11/01

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Marek FURTACZ, Henryk GODZISZ

Locomotives de la série Ty 2 à gazéification de charbon

 

Par la publication de l'article de David WARDALE sur une possible »locomotive neuve du XXIème siècle«, LOK Report a lancé un débat intéressant et fructueux. À ce sujet, nous voudrions faire part de nos expériences. Nous partons du principe qu'une locomotive à vapeur nouvellement construite doit présenter de réels avantages par-rapport aux locomotives historiques afin d'avoir une chance d'être utilisée, ceci aussi bien pour le tourisme que pour le fret. Pour cela, des solutions vraiment innovantes à la fois économiques et satisfaisant aux aspects écologiques devraient être cherchées. En même temps, une conduite et une maintenance simples sont essentielles. Dans les années 80, nous avons expérimenté dans cette direction en Pologne avec la gazéification du charbon sur des locomotives de la série Ty 2 (ancienne série 52 de la DRG).

 

Le développement de la Ty 2-gaz

 

Le point de départ pour les expériences était la crise de l'approvisionnement en huile minérale qui se propageait dans la République populaire de Pologne au début des années 80. Le ministère des transports de la RP de Pologne décida alors la réalisation d'essais avec des chaudières de locomotives modifiées. La modernisation de la chauffe des locomotives à vapeur de la série Ty 2 devait augmenter leur rendement de plusieurs % et ainsi diminuer la consommation de charbon et les coûts d'exploitation. En cas d'essais se déroulant positivement, la transformation de 100 locomotives à vapeur de la série Ty 2 était prévue.

L'étude constructive fut confiée à l'Université polytechnique de Varsovie, particulièrement à l'Institut pour les véhicules ainsi qu'à l'Institut de thermique (Politechnika Warszawska, Instytut Pojazdów ainsi que Instytut Techniki Cieplnej). L'exécutant des travaux était le professeur dr. Henryk RE,KAWEK. Il avait accompli ses études à l'Université polytechnique de Varsovie (Institut pour les véhicules) dans le domaine des véhicules ferroviaires, plus tard il fut le chef du bureau d'études au réacteur nucléaire de recherches de Swierk. À l'université, le professeur RE,KAWEK avait travaillé avec le professeur SOBOLEWSKI, le père des locomotives à vapeur polonaises d'après-guerre. C'est pourquoi il sembla prédestiné aux modernisations de locomotives à vapeur. Le professeur RE,KAWEK était familiarisé avec les modernisations correspondantes, telles que les célèbres constructeurs Livio Dante PORTA entre autres en Argentine et David WARDALE en Afrique du Sud avaient menées à bien.

Il s'intéressa en particulier aux travaux de L.D. PORTA, qui avait développé la  gazéification du charbon dans les chaudières de locomotives jusqu'à sa maturité pour l'exploitation. Le »Bureau central de recherche et développement ferroviaires« COBiRTK à Varsovie, dont le maître-ingénieur Marek CZARNECKI était le chef, fut associé aux travaux. Il fallait décider à quel établissement l'exécution des travaux pouvait être confiée. Le choix tomba sur le ZNTK à Pila.

C'est là que des constructions neuves de la série Ok 55 ainsi que des transformations de locomotives à vapeur pour la chauffe à l'huile minérale avaient été exécutées avec succès. Le fait que le directeur d'alors du ZNTK Henryk GODZISZ soit en même temps un partisan convaincu et un expert technique dans le domaine des locomotives à vapeur profita à ce plan. Pendant la période mentionnée, le ZNTK Pila réparait en Pologne la plupart des locomotives à vapeur. En 1984, il s'agissait encore de plus de 300 exemplaires. On fit aussi appel au technologue principal du ZNTK, l'ingénieur Marek FURTACZ, pour travailler dans le collectif du projet. Il devait surveiller l'exécution de la

reconstruction et effectuer les marches d'essai.

Avec l'achèvement de la documentation technique en mai 1984, les travaux de transformation de la locomotive choisie, la Ty 2-1285 (avec chaudière de la Ty 2-1088) commencèrent. La Ty 2-1285 se trouvait à ce moment au ZNTK Pila pour une grande révision, qui avait commencé au changement d'année 1983/84.

 

Les modifications suivantes furent apportées à la chaudière de la locomotive :

dans les flancs du foyer, on installa neuf tuyères d'air secondaires de chaque côté, à la place des entretoises correspondantes. Aux extrémités extérieures se  trouvaient des volets d'étranglement, qui permettaient un réglage manuel de la section des canaux d'air. En outre, quelques tuyères, qui pouvaient être fermées par des volets, furent installées au ciel du foyer en dehors de l'axe de la chaudière. La voûte fut prolongée vers l'arrière de deux rangées de briques réfractaires, pour créer un genre de chambre de combustion et prolonger le parcours des gaz de combustion. Le cendrier fut modifié de façon à pouvoir être  fermé hermétiquement. On posa deux tuyaux, dont les ouvertures juste sous la

grille permettaient l'insufflation de vapeur, dans le cendrier. La vapeur qui en sortait devait refroidir la grille et simultanément participer au processus de gazéification du charbon. Étant donné qu'il s'agissait d'un prototype, la vapeur fut prise de la vanne trois voies de la nourrice. Pour l'avenir, la vapeur d'échappement était prévue à cet effet.

En combustion traditionnelle, la couche de charbon ne devait pas être épaisse de plus de 150 mm. En combustion gazogène la couche de charbon doit par contre être haute de 400 mm tout en étant à répartir uniformément sur toute la surface

de la grille. Ce lit de combustible devait être monté en peu de temps dès le début du parcours. C'est pourquoi, pour ménager les forces du chauffeur, un chargeur mécanique de charbon, qu'on appelle stoker, fut installé. Les stokers étaient arrivés en Pologne avec les lourdes locomotives à vapeur pour trains de marchandises américaines de l'aide de l'UNNRA, qui étaient classées dans la séries Ty 246 aux PKP. La copie polonaise modifiée de ces locomotives était la série Ty 51. Celle-ci obtint également un stoker comme les locomotives polonaises d'après-guerre pour trains de voyageurs Ol 49 et Pt 47.

Comme la Pologne n'avait construit aucun stoker lui étant propre, le »stoker standard US HT1« connu de la Ty 246 fut utilisé dans tous ces cas. (INTERLOK dispose des dessins de construction américains provenant des archives des ateliers de réparation de locomotives à vapeur Olesnica (Oels). Les vis d'Archimède cassaient relativement souvent en service. Les technologies actuelles permettent le fraisage d'une vis d'Archimède en alliage métallique durable, ce qui augmente considérablement la durée de vie des stokers). Un tel stoker fut aussi installé dans la première locomotive d'essais désignée Ty 2- gaz 1.

 

 

Marches d'essais couronnées de succès et utilisation en exploitation quotidienne

 

Après la transformation on procéda d'abord à des essais stationnaires, au cours desquels on détermina la composition chimique des fumées. Pour obtenir des valeurs de comparaison avec la combustion classique, les nouvelles tuyères d'air secondaire furent fermées. En combustion gazogène, c'est-à-dire lors de l'entrée d'air secondaire par les tuyères, il se révéla que la nouvelle méthode diminue considérablement la teneur en monoxyde de carbone, dioxyde de soufre et oxydes d'azote dans les fumées. Ceci était reconnaisable optiquement par la sortie de gaz grisatre, presque transparente, de la cheminée. Simultanément, il fut constaté que les tuyères installées dans le ciel du foyer , lesquelles devaient provoquer une plus grande turbullence des gaz dans la chambre de combustion, n'avait aucun effet appréciable sur le processus de combustion.

Après la conclusion de la première étape d'examens, on commença avec les marches d'essai en charge. On choisit comme parcours d'essais la ligne secondaire à voie unique de 110 km de longueur Pila - Kalisz Pomorski - Choszczno. Des trains de houille d'un poids total de 700 tonnes servirent de charge.

On décida de procéder à dix marches d'essai:  cinq avec combustion classique du charbon et cinq avec combustion gazogène. Dans tous les cas la même sorte de charbon provenant de la même livraison fut utilisée. Chaque fois le tender fut pesé avant et après la marche. De cette façon la consommation de charbon put être déterminée. Étant donné que l'équipe de conduite ne changea pas pendant les marches d'essai, on pouvait partir de la supposition que la conduite de la locomotive aussi était uniforme. Comme résultat des marches d'essai, on onstata que la consommation de charbon se situait entre 4,1 et 4,5 tonnes en combustion traditionnelle. En combustion

gazogène une consommation réduite de charbon entre 2,8 et 3,6 tonnes était à observer. D'où provenaient ces écarts ?  La locomotuve marchait extrèmement économiquement, tant qu'elle avait la voie libre. Lors d'arrêts fréquents, pour laisser passer un train supplémentaire venant en sens inverse, il était généré tellement de vapeur pendant l'arrêt que celle-ci devait être évacuée par les soupapes de sécurité. Pendant la marche on pouvait constater l'absence presque totale de fumée.

Après examen des résultats des essais, une commission du ministère des

transports approuva la modernisation de la locomotive à vapeur Ty 2-953. Celle- ci avait été construite en 1944 par Henschel und Sohn à Kassel et avait également une chaudière nouvelle. Les travaux eurent lieu au changement d'année 1985/86. À cette occasion, la locomotive reçut en plus deux cylindres pneumatiques qui pouvaient mettre en mouvement la grille à secousses pour décrasser, ce qui soulageait le service du personnel. On renonça à la mise en

place de tuyères d'air secondaire dans le ciel du foyer.

Après l'accomplissement de marches d'essai sur les lignes peu pouvues en rampes autour de Pila, la Ty 2-953 fut désignée Ty 2-gaz 2 et attribuée au dépôt de Chabówka près de Cracovie, où elle fut soumise sur les lignes riches en rampes dans les Beskides à des marches d'essai semblables comme avant à Pila. La surveillance et l'exploitation de ces marches d'essai furent faites directement par le professeur RE,KAWEK et son assistant l'ingénieur CZARNECKI. Selon les renseignements donnés par le personnel de Chabówka c'est justement la forte vaporisation en terrain montagneux qui est avantageuse, si bien que la locomotive roule jusqu'à aujourd'hui avec la chaudière transformée. La locomotive d'essais Ty 2-gaz 1 par contre fut attribuée au dépôt de Krzyz (Kreuz) après achèvement des essais, plus tard transférée à Elk et réformée là- bas le 29.7.1992.

 

 

Le changement de traction empêche l'optimisation

 

Les auteurs et les créateurs de la construction, le professeur RE,KAWEK et l' ingénieur CZARNECKI, se rendent bien compte que les expériences menées alors ne contiennent qu'une partie des améliorations possibles. Ainsi, l'installation d'un nouvel échappement de type »Lempor« - un développement de L.D. PORTA sur la base de l'échappement LEMAÎTRE - aurait pu augmenter considérablement la rentabilité de la locomotive. Cependant, les travaux durent être exécutés dans le cadre d'un budget limité. C'est pourquoi les constructeurs cherchèrent à présenter aussi vite que possible des résultats montrables avec de faibles moyens financiers. Ceci a même, comme il est montré ci-dessus, réussi.

Pourquoi les PKP n'ont-ils malgré tout pas accepté la poursuite des expériences et leur utilisation sur un plus grand nombre des locomotives à vapeur disponibles ?  Des recherches dans les archives du département traction de la direction principale des chemins de fer de l'État pourraient apporter des réponses précises. De l'avis des auteurs, les expériences commandées par le ministère des transports ne furent pas soutenues par les dirigeants des PKP.

Ceux-ci étaient au contraire de l'avis que la traction à vapeur est un vestige désuet. Dès que l'approvisionnement en carburants se stabilisa à nouveau du côté de l'Union soviétique, la direction générale des PKP conclut un contrat d'achat  avec la Roumanie pour la livraison de 150 locomotives diesel de la série SP 32.

Les auteurs ne peuvent pas dire avec certitude si des arguments étrangers au chemin de fer contribuèrent aussi à cette décision. Comme il est généralement connu, la Pologne attendait des contrepartie pour ses livraisons de marchandises en Roumanie dans le cadre du »Conseil économique d'assistance mutuelle« (Comecon) socialiste. Mais l'industrie roumaine n'avait pas beaucoup de marchandises intéressantes à proposer en dehors de locomotives diesel. Quoi qu'il en soit, l'utilisation possible de locomotives à vapeur économiquement et  écologiquement avantageuses était de facto arbitrée dès le début au profit de la traction diesel.

Après que les PKP aient renoncé à l'application large des résultats de recherche malgré les paramètres clairement avantageux, le professeur RE,KAWEK saisit la chance de procéder à d'autres transformations lorsque l'administration de la confiturerie du combinat de Czempin le sollicita. L'autorité de surveillance compétente avait émis des réserves contre l'utilisation de locomotives à vapeur comme chaudières stationnaires en raison de la pollution de l'environnement. Sur ce, le ZNTK Pila transforma selon les plans de construction du professeur RE,KAWEK deux locomotives à vapeur de la série Ty 2 ainsi qu'une locomotive de la série Pt 47 pour la combustion gazogène au charbon. Sur le terrain de la confiturerie, les trois locomotives furent raccordées entre elles pour former un ensemble cohérent, la Pt 47 se trouvant au milieu. L'alimentation régulière fut réalisée par un tapis roulant. Comme on s'y attendait, les valeurs des rejets dans les fumées souhaitées par les autorités de surveillance furent à présent respectées. Les locomotives stationnaires furent en service sans défauts jusqu'au milieu des années 90, lorsque le combinat fut vendu à des investisseurs occidentaux et modernisé.

Dans les dernières années de sa vie, le professeur RE,KAWEK s'occupa encore de la construction d'une locomotive à vapeur complètement neuve, dont le rendement devait même être de 15%. Cette locomotive devait être construite au ZNTK Pila.

Mais l'absence d'intérêt de la part des PKP, le changement de traction progressant et la mort du professeur empêchèrent la réalisation de cet intéresant projet. Sur la base de notre expérience passée, nous envisageons toutefois, en coopération avec l'ingénieur et père spirituel de l'utilisation de la gazéification du charbon dans les locomotives à vapeur L.D. PORTA, de reprendre les expériences. En premier lieu, nous songeons à la transformation d'une locomotive à vapeur de la Deutsche Reichsbahn, série 50.35, pour la gazéification du bois. Si les résultats positifs des deux Ty 2-gaz devaient se laisser encore améliorer, alors nous tenons la construction de locomotives à vapeur complètement réétudiées, extrèmement modernes, pour tout-à-fait possible et - sous les prémisses de déjà nommées de la rentabilité, du respect de l'environnement, d'une faible maintenance et de la facilité d'utilisation -

aussi pour judicieuse.

 

Les auteurs :

 

Marek FURTACZ fut ingénieur en chef de 1973 à 1989 aux ateliers principaux ZNTK

Pila (Zaklady Naprawcze Taboru Kolejowego, Établissement de réparation du

matériel roulant ferroviaire, jusqu'en 1945 »RAW Schneidemühl« allemand) des

chemins de fer de l'État polonais PKP. Depuis 1989 vice-directeur d'INTERLOK

SàRL, société détachée du ZNTK.

 

Henryk GODZISZ occupa depuis les années 50 différents postes au ZNTK. Entre 1973

et 1984 directeur général des ateliers. Depuis 1990 expert technique pour les

locomotives à vapeur chez INTERLOK, Warsztatowa 8, PL - 64-920 Pila.

 

 

Littérature :

 

Livio Dante PORTA

Steam Locomotive Development in Argentina :  Its Contribution to the Future of

Railway Technology in Under0developed Countries.

Paper N°721. In :  Journal of The Institution of Locomotive Engineers, London

Vol. 59 (1969) p. 204-256.

 

Roger M. WALLER

Weiterentwicklung der Dampflokomotive :  Erfolgreicher Umbau in Südafrika

[Themenheft »Forschung und Technik«]

Neue Zürcher Zeitung, Zürich

Vol. 203 (1983) N°109 (11 mai) p. 71

 

David WARDALE

The Red Devil and other Tales of the Age of Steam

522 p., ill.

Chez l'auteur, Inverness 1998

ISBN 0-9529998-0-3

 

Bernard ESCUDIÉ, Jean GRÉA (éd.)

Thermodynamique et locomotives à vapeur :  l'oeuvre d'André CHAPELON 1892 - 1978

[Colloque national CNRS 6-9 juillet 1987 tenu au Musée français du chemin de fer

à Mulhouse]

432 p., ill.

Éditions du CNRS

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, Paris 1989

ISBN 2-222-04284-4

 

 

Traduction en français par Jean-Pierre HOFER (e-mail :  jph@interlok.info).